CORY PARISH — Be true. Be kind.

Depuis sa plus tendre enfance, Cory a été l’optimiste, celui qui sourit même quand ce n’est pas le moment, préférant voir la beauté du monde plutôt que toute la misère qui vient avec. Son air enjoué fait qu’on disait de lui, en plaisantant, que c’était sûrement le fils du facteur, car ses parents ne semblaient avoir qu’une seule expression sur leur visage : neutre. Et voilà que deux humains austères avaient hérités d’un petit clown. Calme certes, mais bien trop joyeux sans raisons de l’être. Ses deux parents venaient de familles humbles et issues de la classe ouvrière. A leurs yeux, la vie n’était que souffrance et dur labeur, sans réel espoir d’une vie paisible, malgré le fait d’être entourés par de somptueux paysages. Leur seul et unique but était, chaque jour, d’avoir de quoi manger le soir. De pouvoir avoir de l’électricité à la fin du mois, ou de survivre a l’hiver. Le père de Cory réparait des bateaux et était passionné par le travail manuel. C’était un homme silencieux, maigre comme un clou malgré une force physique impressionnante, qui ne semblait heureux qu’avec des outils dans ses mains. Sa mère passait toutes ses journées à la maison à coudre et retoucher des vêtements pour des voisins, pour arrondir les fins de mois… ou plutôt, les fins de semaines. Son seul divertissement était d’aller à l’Eglise ou d’écouter sa petite radio qui, à ce stade, lui servait de meilleure amie.  A cette époque, la plupart des enfants de Galway traînaient dans la rue lorsqu’ils n’étaient pas à l’école. Il n’y avait pas beaucoup d’activités disponibles pour les jeunes, et on les voyait souvent s’ennuyer s’ils n’avaient pas la chance d’avoir un ballon de foot ou autre option sous la main. Cory aurait pu être comme tant d’autres gosses, coincés pour toujours à Galway, reprenant le flambeau familial, et ainsi de suite, de générations en génération.  Le père Parish lui, amenait son fils avec lui à son travail, refusant de le laisser traîner dehors à ne rien faire d’utile. Pour la communauté, son père ne montrait jamais ses émotions. Mais lorsqu’ils étaient tous les deux, Cory comprenait ce que son père n’avait qu’un désir : que son fils comprenne que pour réussir dans sa vie, il ne pouvait pas tricher: il lui faudra travailler dur, et y mettre tout son coeur. Leçon silencieuse…et rapidement acquise… qu’il appliquera tout le long de sa vie.

Combien de fois pendant sa jeunesse a-t-on pu dire de lui qu’il était trop sage et trop mature pour son âge, pour le simple fait qu’il écoutait quand on lui parlait. Les petits garçons à Galway étaient généralement plus intéressés par les jeux et la nature, pas les livres. Les petits garçons trainaient avec d’autres petits garçons. Lui traînait avec adultes et… des filles. Ah les filles. Cory faisait de son mieux pour se concentrer sur son futur et ses études, rêvant d’un jour devenir ingénieur et d’intégrer une prestigieuse école aux Etats-Unis : comme dans les films. Le rêve Américain. On pouvait donc souvent le voir le nez plongé dans un livre. Mais l’adolescence et les désirs qui viennent avec le poussaient de plus en plus à lever son nez dès qu’il entendait un rire ou qu’il remarquait…qu’on le remarquait aussi. Parce qu’il faut bien dire qu’il plaisait, et qu’il plaisait beaucoup. Beaucoup trop même. Il fut tout d’abord gêné, comme tout gamin commençant sa puberté. Et puis il y prit goût, restant pourtant gentleman, préférant souvent le flirt à l’acte en lui même. Après tout, il comptait un jour partir pour New York, et la dernière chose qu’il voulait, c’était briser des cœurs. Mais bon, il était humain, et il y eu évidemment « quelques » écarts avant que son père ne le rappelle à l’ordre à chaque fois. Pour sa mère, il fallait attendre le mariage avant de regarder une femme. Pour son père, c’était une histoire purement financière : il ne voulait pas que son fils mette une fille enceinte et qu’il soit obligé de l’épouser. Car à leur époque, c’était comme ça qu’on réglait ce genre de ‘problème’ si on voulait sauver son honneur. Et pour Cory, s’il voulait remercier ses parents d’avoir fait autant de sacrifices pour qu’il ait accès à une bonne éducation… et s’il voulait vivre ses rêves… il n’avait pas droit à l’erreur.


Cory eut tout de même une relation plus longue et plus…sincère que les autres, qui durera jusqu'à son départ pour New York. En secret, loin du jugement de ses parents. Et c’est sûrement à force de se cacher un peu n’importe ou.. Qu’on finit par faire un peu n’importe quoi. Ainsi, lorsqu’il fut temps pour lui de partir à l’Université, il laissa derrière lui une jeune femme en larme et…enceinte. Il savait qu’elle était amoureuse de lui. Et lui aussi avait des sentiments pour elle. Et s’il avait su qu’il allait être père, l’histoire de Cory aurait pu être complètement différente. Difficile à dire, car dès qu’il eut quitté l’Irlande, il ne pensa plus à ce qu’il laissait derrière lui. Sa famille, ses amis, et cette femme qui avait sans doute été son premier amour… tous avaient une place dans son cœur. Mais son cœur lui disait qu’il devait partir et que son destin devait passer par cette ville qui n’attendait plus que lui : New York City.

Fast Forward. Comme tant d’autres avant lui, Cory découvre cette ville immense et s’épanouie comme jamais grâce à ses études, mais aussi grâce à la communauté Irlandaise de la ville. Il y rencontre celle qui deviendra sa femme, et la mère de ses enfants. Enfin… de ses autres enfants, ne sachant pas qu’il était déjà père. Tout semblait s’aligner parfaitement : comme dans les films Américains. Ces mêmes films que tant de monde osaient critiquer dans sa ville natale. Et maintenant, c’est lui qui allait vivre ça : il allait être son propre patron, vivre dans une grande maison blanche, avec sa femme et ses nombreux enfants. Parce qu’ils en voulaient plein, tout plein. Mais le sort en a décidé autrement. Leur première fille née prématurée et commença sa vie malgré elle avec des parents stressés comme pas possible. Leur fils lui, est diagnostiqué autiste quelques années après sa naissance. Cory a de moins en moins le temps de s’occuper correctement de son entreprise qui était déjà en difficulté, et le temps du bonheur semble vite disparaître dans un brouillard qui va durer des années. Il veut être un bon père et prend des cours pour apprendre à aider son enfant autiste, voulant être présent lors de ses premières années, afin qu'il puisse être indépendant plus tard. Toute son énergie se tourne alors vers son fils, car il sent qu'il a besoin de lui bien plus que les autres, tout en essayant de donner autant de temps à son aînée, qui semble de plus en plus distante à chaque année qui passe. Sa femme fait de même, préférant se renfermer sur elle même plutôt que de prendre la fuite. Et Cory fais de son mieux pour sauver ce bateau…qui est malheureusement déjà en plein naufrage. Son refuge à lui, c'est le temps passé avec son fils, à lui parler mécanique et robotique. Les années passent, cette sale routine s'est installée et ne veut plus partir. Perdu et à bout, Cory cesse enfin de lutter contre le destin et décide, après la faillite de son entreprise, de ramener sa famille aux sources : l’Irlande. Histoire que ses enfants connaissent leurs origines et aient une autre vision du monde que celle de la vie citadine. Et puis... ils devenaient bien trop Américains à son goût. Mais Cory avait également l’espoir que son couple retrouve son énergie d'antan. Avant les crises d'adolescences et le conflit permanent. Et surtout, Cory connaissait enfin la vérité sur son premier enfant : il avait une autre fille. Et il ne pouvait pas continuer à vivre sans la rencontrer. Il avait immédiatement confié cette information à sa femme, ne voulant pas qu'on l'accuse d'avoir eu une vie caché... mais malgré son honnêteté, cela ne fit qu'empirer la situation. Impossible pour Cory de dire qu’il n’y était pour rien : il faut bien deux personnes pour faire un enfant. Et il n'était pas du genre à fuir ses responsabilités. Le couple Parish resta pourtant ensemble, et c’est main dans la main qu’ils rencontrent la petite Esther, présentant l’image d’une famille forte et unie. Ils s'accrochaient, refusant l'inévitable dans l'espoir de protéger la famille qu'ils avaient voulu construire.


Hélàs, malgré toutes ces épreuves et beaucoup d’amour, le couple finit par divorcer. Et il du voir sa femme dorénavant "ex" être heureuse dans les bras d'un autre sans avoir son mot à dire. Signer ces papiers de divorce, c’était comme devoir lire noir sur blanc qu’il avait manqué à son devoir en tant que mari, et en tant qu’homme. Il ne savait pas sur quoi s'en vouloir, ou ce qu'il devait regretter: il était perdu. Seule une vie calme pouvait apaiser son esprit. C’était ça, ou sombrer dans l’alcoolisme. Il choisit heureusement l’option productive, et se décida de se plonger dans sa librairie, nouveau commerce qu'il avait lancé non seulement par passion pour la littérature, mais aussi pour pouvoir employer son fils et avoir des horaires flexibles. Et c'était toujours mieux que de se voir tous les jours dans le miroir, de se voir vieillir et risquer de devenir le cliché de l'homme triste, divorcé et seul. Contempler son passé trop longtemps n'était jamais une bonne idée. Il préférait contempler le futur de ses enfants. Sa seconde fille s’était émancipée, sentant sûrement l’apocalypse familiale trop peser sur son quotidien. Cory se seny toujours coupable de l’avoir laissée partir sans lutter, et encore plus coupable de l’avoir retrouvée dans un état proche de la mort. Souvenir qu'il essaye d'oublier mais qui le hante, car quel parent ne redoute pas la mort de ses enfants... Lorsqu’il l’avait enfin revue à l'hôpital, incapable de l'aider, il s'était demandé comment il avait pu se dire que tout se passerait bien, et qu'une adolescente était capable de prendre les bonnes décisions, sans que cela finisse mal. Evidemment, elle n'était pas responsable d'un accident de voiture. Mais il ne pouvait s'empêcher de se dire : si j'avais été plus autoritaire quand elle avait 15 ans, elle n'aurait jamais été dans cette voiture. Elle, sa petite fille, ce parfait mélange qui lui rappelait toutes les qualités de son ex femme, mais aussi cette part rebelle qui venait de lui, et qu’il reconnaissait à chaque fois qu’elle était énervée, passionnée, ou désireuse d'obtenir  quelque chose. Bornée comme son père. C'est pourquoi il voulait être le guide idéal: bienveillant et protecteur. Il devait tout à ses enfants, c’était grâce à eux qu’il restait sur le droit chemin. Tant qu’ils étaient dans sa vie et en bonne santé : il était heureux. De même pour son ex femme avec qui il est resté en bon terme malgré tout. Cory aime se dire que c’est la vie qui les a séparé, et non le manque d’amour. Leur divorce représentait la fin de leur couple et une page qui se tourne. Mais cela ne représenterait pas la fin de leur famille: il s'en porterait garant.