Esther & Ivy Mercury

Cnest la Saint Valentiiiiiiiiiiin ! Bon en vrai c'est un peu la St Valentin tout les jours à la maison avec Ivy depuis qu'on s'est mis en couple, et plus encore depuis que nous sommes mariés, mais autant profiter des événements organisés pour l'occasion.
Comme cette soirée "dégustation dans le noir de plats surprises". J'avoue être surexcitée par l'idée. J'espère avoir des trucs complètement inattendus ! Même des insectes ! Ça me rappellerait le Venezuela. La forêt amazonienne aussi.
On arrive main dans la main, plus amoureux que jamais, et on s'installe à notre table.

-Mais non, tu vas voir, on va s'éclater ! Au pire si t'aimes pas tu me donnes.

Je souris et lui prends la main, sans trop galérer malgré les ténèbres. Je choisis un menu au pif.

-Je meurs de faim.

-Qui te dis que je trouve ça dégueulasse ?
Je ris. Je serre mes doigts sur les siens tout doucement. Je goute ma mise en bouche dès qu'elle arrive. Je toussote. Ok, je ne m'attendais pas à du wasabi. Mais c'est grave bon.

-Je veux bien.

Je goûte sa crevette, enfin son truc du genre, et souris.

-Super bon ! Et ouais, j'adore ma mise en bouche, attends...

J'attrape sa main et lui fourre ma petite cuillère pleine dedans.

-Attention ça pique. Ça débouche les narines aussi.

J'ai un bref éclat de rire. Ça me rappelle un certain épisode d'une vieille série humoristique où l'héroïne, qui parle du nez d'habitude, se retrouve soudain à ne plus avoir de voix nasillarde du tout après avoir goûté le wasabi.
Les mises en bouche sont vite achevées, et pour cause, elles n'étaient là que pour eveiller nos papilles. Finalement, c'est pas mal de manger dans le noir, on anticipe moins le goût.

Je garde sa main jusqu'à ce qu'on se retrouve avec notre assiette de salade. Là, j'ai besoin de mes dix doigts pour être sûre de ne pas me retrouver à brouter la nappe ou couper mon verre

-J'avoue que c'est galère... Mais j'aime bien, on anticipe moins le goût et on sent mieux les saveurs.

Je mange quelques bouchées de salade. Elle est plutôt classique mais bonne.

-Je m'en sors pas mal mais j'avoue que je mangerais bien avec les doigts là tu vois, histoire que ce soit plus facile.  

Je ris à mon tour. J'enfourne une nouvelle fourchettée et... Oh. Oh merde. Ça, c'était ni de la salde, ni du chèvre chaud.

-Je crois que je viens de manger un truc vivant... Coquant. Non, pas croquant, claquant. Genre ça a eclaté. C'etait... Gluant aussi. Juteux... Je crois que c'était vivant.

Je grimace.

-Pas très bon. Et certainement pas prévu... .

Je pouffe. Je sais pas ce que c'était mais tant que ça me rend pas malade... Je m'en fiche un peu. Ça m'amuse plus qu'autre chose.

-Ah non. Je veux pas m'en mettre partout en plein restaurant.

Déjà que certains client étaient en train de foutre le bordel en s'engueulant... Certainement des jeunes. Non, n'en rajoutons pas.
Me voilà donc à réfléchir à ce que je viens de croquer vivant.

-Ouais, vivant. Enfin je crois. A vrai dire  je sais pas du tout ce que ça pouvait être. Un insecte peut être.

Je souris, ris même un peu.

-En tout cas, meilleur plat ou pas, la soirée a le mérite d'être exceptionnelle. Et originale surtout.

Je finis tout de même son assiette et j'attaque sans tarder mon plat. Une soupe je crois, c'est assez liquide, oui, ok, bizarre mais c'est bon....

-Si tu tombes malalde je leur colle un procès au cul. Je te jure. Faut pas déconner non plus.

Les legumes sont parfumés... Okay, peut être que cette fois c'est la bonne.
Mais pas pour Ivy apparemment.

-Un restaurant qui ne sait pas faire un steak tartare... La blague... Bon, au moins tu risques moins l'intoxication... On va se dire ça.

Je garde sa main dans la mienne un petit moment avant de la récupérer pour attaquer un truc plus dur.

-Écoute, ça a l'air pas m...

Je suis interrompu par une sorte de couinement sonore mouillé et étranglé qui me fait faire un bond en arrière sur ma chaise.

-Y'a un truc qui cri dans mon assiette ! Putain mais...!

Cette fois j'y mets carrément les doigts.... Et extirpe un machin en caoutchouc glissant et bruyant. Dès que j'appuie, ça pouète. Comme un jouet pour chien.

-Dis moi que c'est une blague. Qu'à la limite ta salade soit mal rincée, bon. Que tu cuises le steak tartare, passe encore, dans un moment de confusion intense dû au lsd... Ok. Mais que tu confondes un jouet en plastique qui couine avec de la nourriture...

Je ne peux m'empêcher de partir en fou-rire face à l'absurdité de la situation.

-Ils tiennent un concept innovant en tout cas !

J'acquiesce, avant de me rappeler qu'à moins qu'il ait des yeux bionics, il ne peut pas me voir.

-Oui, vaut mieux, histoire qu'on mange réellement un truc bon et consistant. Tu sais quoi ? Je vais garder ce truc en plastique. En souvenir. Un peu comme un doggy bag éternel.

Tant de poésie. J'enroule le machin dans ma serviette -que je vais garder aussi, mais alors là, vu le peu de respect que la cuisine nous manifeste, je n'ai aucun scrupule à emprunter ce carré de tissu- et le pose sur mes cuisses presque avec affection. Souvenir rigolo d'une soirée complètement hors de l'ordinaire. Pendant un instant j'hésite même à proposer un resto-basket à mon mari. Mais.... Dans le noir c'est peu pratique.
Les plats sont desservis et on pose les desserts devant nous. Je tâtonne pour trouver la cuillère et goûte du bout des lèvres... Mmh. Gateau menthe chocolat. Pas trop menthé, juste ce qu'il faut. Ok, c'est bon.

-Oui c'est bon, c'est un gâteau menthe chocolat. Tu veux qu'on le partage ? Que tu finisses au moins sur un truc agréable toi aussi.

Je souris. Brièvement. Oh non, les cadeaux devant tout le monde je n'aime pas... Enfin devant des inconnus. Bon. Ceci dit, dans le noir... Je serre légèrement mes doigts sur les siens, juste avant qu'ils ne soient remplacés par une petite boite. J'hésite un instant, puis l'ouvre sans peine avant de découvrir au toucher son contenu.
Contenu qu'il m'enfile au doigt.
Oh. Mon. Dieu.
Je...
OH. MON. DIEU. MAIS. QUE. QUOIII?!?!?! ON PEUT FAIRE CA EN VRAI C'EST PAS QUE DANS LES FILMS ?!?! Ok on va pas se mentir ça sert à rien mais c'est tellement touchant.... Oh merde.

-Euh, je, oui, je t'aime, je veux, Ivy Mercury, t'épouser une deuxième fois, bien, enfin...  je bafouille à retardement avant d'inspirer longuement pour reprendre d'une voix légèrement vacillante. Oui je veux bien t'épouser une seconde fois Ivy Mercury parce que je t'aime et que... Et que j'en ai autant envie que toi.

A défaut d'embrasser ses lèvres puisque c'est beaucoup trop risqué dans le noir comme ça, je dépose un tendre baiser sur ses doigts.

-Je... J'ai aussi un cadeau pour toi mais... C'est super nul comparé au tien...  je murmure, encore toute retournée.

J'en oublie mon dessert encore entre nous deux. Je fouille mon sac et attrape une boite, plus grande que la sienne, que je dépose à mon tour dans sa main. A l'intérieur, une montre à gousset en argent, qui date de la fin du dix-neuvième siècle et que j'ai fait réparer. J'y ai également fait graver son prénom. Et juste ça. Sobre mais joli. Enfin j'espère.

-Je pense qu'il vaut mieux attendre de la lumière pour que tu vois bien ce que c'est.

No shit Sherlock.