Esther Mercury - é(s)ther trinitrique du glycérol.

Vous imaginez si l'on pouvait résumer nos vies avec des chansons ? Pas de CV, juste une playlist ? Vous mettriez quoi dans la votre ? 

Perso, je crois que la mienne commencerait avec une musique du Roi Lion. Pas forcément une triste, la tristesse c'est une émotion qui me gave à la longue. Mais juste une qui me fait penser au film, parce qu'on va pas se mentir, ce tout mignon dessin animé, il a pour thème central les dégâts que peuvent causer l'absence d'un parent. La perte d'identité, la colère qui gronde sans arrêt à l'intérieur de vous, qui bouillone et ne demande qu'à exploser, l'insécurité, cette vulnérabilité qui provoque un manque de confiance en soi énorme... Pourquoi il n'est plus là, je n'étais pas assez bien pour lui ? 
Bref, j'ai un peu mal démarré dans ma vie, par la force des choses. Mes parents se sont séparés avant ma naissance, mais juste après ma conception. Mon père s'est barré aux States pour ses études en plantant là ma mère. Dans une histoire triste elle se serait retrouvée toute seule pour m'élever, à galérer financièrement. Mais en réalité, ma famille maternelle a plutôt des revenus moyens élevés entre les différents avocats, médecins et PDG, donc... Elle et moi avons été très entourées dès le départ. Même s'il manquait toujours un petit truc, une présence paternelle donc. 

Aaah, on switch, deuxième chanson ! Comme un Homme, de Mulan. Ouais, j'étais un véritable garçon manqué jusqu'à... Au moins jusqu'à la fin du lycée je pense. A traîner sans arrêt avec la même bande de mecs, dont j'étais la seule fille d'ailleurs. A jouer au foot, à me battre, à jouer à la guerre et plus tard à tous les défoncer à l'airsoft, au paintball et tout ce qui s'ensuit. Ils en étaient verts. Et moi je me marrais. Je me sentais comme un poisson dans l'eau. 
A la maison, c'était plus tranquille. Posé. Un peu comme une chanson répétitive et apaisante, style Intro, de The XX. Petite vie bien rodée, on sort le chien, les cousins, oncles et tantes qui passent manger à la maison, les soirées pyjamas -attention, certainement pas rose le pyjama- plateau télé... Franchement, j'avais pas trop à me plaindre. 

Puis mon père est rentré des States. Avec une femme, deux gosses et d'après ma mère, une certaine envie de me rencontrer. 
Mouais. Ça vaut bien un Another Brick in the Wall part 3 là. Juste le temps de l'annonce. Qu'est ce que j'en avais à branler de mon géniteur ? J'étais bien là tranquille, avec Maman, Bruce le chien, et beau-papa (ah oui, j'avais oublié de vous dire, ma mère a rencontré un mec lors de ma rentrée au collège. Mon prof de langue. Ce gars est un doudou vivant, et c'est passé crème de suite entre nous même si de base... Ça aurait pu être compliqué. J'ai pas trouvé de chanson pour ça tiens).
Donc ce jour là j'ai tout cassé. Littéralement d'ailleurs, mais heureusement j'ai eu l'intelligence de faire ça sur des trucs qui traînaient dans le garage depuis des lustres et qu'on devait jeter. La colère a explosé, puis je me suis sentie vide. Et mieux. Crise d'adolescence commencée et terminée en une seule soirée. 

Alan Silvestri, Forrest Gump Theme. Timidité, maladresse, naïveté et sincérité simple. La rencontre s'est beaucoup mieux passée que ce que je pensais. Avec lui. Avec mon frère et ma soeur. Bien plus jeunes que moi. Et même avec sa femme. J'avais un peu la trouille mais finalement tout s'était tellement bien passé... Qu'on s'est revu plusieurs fois. 
Je dirais pas que mon père est devenu mon père, puisque mon beau-père était déjà mon père (vous suivez ?) mais c'était toujours agréable. 

Une fois le lycée terminé, j'ai décidé de me barrer. D'aller voir ailleurs. J'avais envie d'aventure. Allez, on lance John Williams et son Map Room Dawn. Ou le thème d'Indiana Jones, au choix. Me voilà donc à partir en Amérique Latine pour faire des études de langues. Puis finalement je suis revenue faire un an à Dublin. Puis repartie, encore, j'ai bien dû faire cinq pays étrangers en six ans. Le pied. Je me suis régalée à voir d'autres cultures, à voyager comme ça. Un jour je me lancerais dans un tour du monde casquette-sac à dos. 
Mais bon, en attendant je suis rentrée à Galway. C'est beau de découvrir la planète mais de temps en temps, on est bien aussi chez soi. Et puis ma mère a eu une mauvaise passe, et même si mon beau père était toujours fidèle au poste, je préférerais être auprès d'elle. Au cas où... 
J'ai ramené plein de petits trucs à tout le monde. Enfin. Tout le monde. J'ai même pas pu les filer à ma soeur, elle s'était barrée entre-temps. Je suis peut être restée un peu trop loin un peu trop longtemps. 

C'est pour ça que j'ai décidé de devenir flic -ouais, aucun rapport. Tata tatatata tata tatatatata tatata tatatatata. Si vous avez reconnu le Flic de Beverly Hills, bravo. Sinon vous êtes vraiment nul. Comment ça je chante mal ? Mais je vous emmerde ! 
Donc je suis devenue flic. En infiltration. Genre en un claquement de doigts. Faut dire que vivre dans plusieurs pays différents demande une grande capacité d'adaptation. Et comme je m'amusais à essayer le plus possible de me faire passer pour une native... Jouer les caméléon en infi, c'était trop facile pour moi. 

Gangsters Paradise. 
Et c'est toujours quand tout est trop facile qu'on se fait avoir. 
Doublement pour ma part. 
Faut savoir déjà que quand on est en infi, personne ne doit être au courant qu'on est en infi. Donc aux yeux de ma famille, j'avais mal tourné. Terriblement mal tourné puisque j'avais intégré un gang. Mon langage déjà bien fleuri s'est encore plus coloré. Pas d'alliés, pas de cordes de sécurité. Un saut en parachute sans parachute. Y'a éventuellement un gros matelas à l'arrivée mais pas sûre que l'atterrissage soit glorieux. Sauf si on sait voler. 
Et j'ai sincèrement cru que j'avais appris à voler. Et j'ai aussi sincèrement cru que j'avais trouvé un allié dans ce mec que j'avais rencontré. 
Double crash. Ce gars était un connard fini, et je m'arrêterai là, j'ai pas envie de vous en dire plus, pensez ce que vous voulez, et mes ailes étaient de cire, comme celles d'Icare. Même le matelas ne servait plus à rien. Ça a duré, duré, duuuuurééééé... Jusqu'au jour où j'ai plaqué Pinpin le connard et où je me suis faite planter. Ouais, les deux le même jour. Heureusement, le gars qui a voulu me tuer s'est loupé, j'ai pu fuir, mes supérieurs ont appris que ma couverture était en train de s'effilocher et finalement, ils m'ont retiré de la mission. Je peux m'estimer heureuse de n'y avoir gagné qu'une cicatrice à l'omoplate. 
J'ai passé un an de plus dans la police. Dans un service d'enquête, un truc plus calme si je puis dire. Puis j'ai démissionné. 
Seul avantage de cette succession de catastrophes, c'est d'avoir enfin pu avouer aux autre que je n'étais pas une cause perdue mais juste une sorte d'espionne. Tout n'est pas redevenu tout rose d'un coup mais ça a vachement aidé à détendre l'atmosphère quand même. 

Me voilà donc à errer sur Wish you were here  -Pink Floyd, mon premier amouuuur- à ne pas savoir quoi faire du reste de ma vie, à chercher un truc qui me manque sans savoir ce que c'est... Et c'est au détour d'une ruelle que finalement l'idée me vient. Devant une affiche de cinéma, je ne saurais même plus dire quel film c'était qui y était représenté mais... Ça m'a paru comme une évidence d'un coup. Il fallait que je bosse dans un truc en rapport avec la criminologie. J'avais l'expérience du terrain, en plus de la théorie. Idéal non ? J'ai donc fouiné un peu pour trouver le où quand comment du pourquoi et j'ai fini par trouver une formation pour compléter mes connaissances et... Me retrouver coincée à nouveau. Entre profileur et prof. Oh joiiiie, ouiii, ça m'a donné envie de danser nue sous la pluie pour remercier les dieux de m'avoir donné une idée si bonne mais si inutile.
Bref, j'ai choisis d'être prof. Autant traumatiser des gens dès le plus jeune âge -oui, les petits étudiants en fac sont encore des bébés par bien des égards croyez-moi, et on les lâche trop tôt dans un monde sans repères et complètement f(l)ou où les secrétaires ne font pas leur travail et où l'administration est encore moins au courant que ses élèves des absences des profs et des modalités de contrôle. L'autruchage est le sport universitaire par excellence chez les administratifs de la fac- parce que la police, j'ai assez donné, merci, au revoir.

C'est à peu près au même moment que j'ai rencontré ce que toute femme romantico-fleur-bleue appelle "le PriNcE ChARmAnT".
Moi je l'ai surtout appelé "le gars bizarre" au début. Avant qu'il n'ait réussi à m'apprivoiser, sur le ton de Wild horses, des Stones. Enfin, façon de parler, en vrai, il m'a chanté bien d'autres choses. Et j'ai fini par craquer. Me laisser approcher, malgré ma méfiance et mes premières expériences catastrophiques -enfin surtout une en fait, celle du connard. On a fini par aménager ensemble. Se marier discrètement. Prendre des cochons d'Inde. Le pauvre, je ne lui ai pas laissé le choix là dessus. Et vivre enfin notre petite vie à nous. C'était vraiment bizarre au début... J'avais toujours la trouille qu'un truc pas net n'arrive soudainement. Mais non. Il fait toujours preuve d'une patience exemplaire....
Par contre, le premier qui me parle de bébé... Je l'utilise pour mes cours en tant que victime d'Ed Gein.  Merci mais non merci, je saurais pas gérer un mini-humain qui hurle toutes les quatre minutes et cinquante-six secondes pour rien. Remarque, même si les bébés savaient parler dès la naissance, je n'en voudrais pas...

Bon, une dernière chanson pour la route ? Ma préférée...
Highway to Hell, ACDC. Parce que de toute façon, on finit tous par crever et que la plupart d'entre nous, on fonce droit vers l'enfer en tournant le dos au paradis. J'vous ai déprimé ? Ooooh... Déso, mais pas trop trop déso non plus. Sans rancune Invité. Et au plaisir d'écouter ta playlist à toi  ;3