Hestia Gigliotti — Broken Sleep

Sombre. Sans espoir. C’est un peu comme ça que Hestia visualisait son avenir pendant un temps. Un temps qui lui paraissait éternel. Mais comme quoi, rien n’est permanent et l’espoir n’est jamais très loin. En s’accrochant, on peut y parvenir.

On pourrait dire qu’elle n’est pas née dans la bonne famille, Hestia. Bébé par forcément voulu, ou alors vite regretté. Elle a vite manqué d’affection, d’attention, de la part de ses parents, toujours bien trop occupés dans leur boulot et surtout leur business illégal. Un véritable cliché de films, finalement, cette famille. Lorsqu’elle grandit, Hestia se mit à passer beaucoup de temps dehors. La seule chose qui la rapprochait de ses parents, c’était cette passion pour la peinture, que sa mère lui transmit très tôt. Il n’y avait d’ailleurs que dans ces moments là qu’elle avait l’impression de faire partie de la famille.

Néanmoins, elle connait dès l’adolescence ses premiers déboires avec l’alcool. D’abord lors d’innocentes fêtes lycéennes, puis par la suite, surtout avec ces gens connus dans la rue. Ceux avec lesquels elle trouvait du réconfort, de la compagnie, ceux qui connaissaient les mêmes galères qu’elle et surtout cette éternelle solitude. Hestia se mit rapidement à boire seule. Tout et n’importe quoi, même les alcools qu’elle n’aimait pas. Il faut dire que papa avait toujours une bouteille de rhum mal cachée quelque part.

La famille Gigliotti déménagea à Galway lorsqu’Hestia eut 17 ans. Et ça fut compliqué pour elle, de perdre ses repères, trouver de nouvelles marques, faire face aux barrières de la langue. Elle commença par la suite des études qu’elle ne suivit absolument pas assidûment, et tomba rapidement amoureuse d’un mauvais garçon, qui l’entrainait toujours plus loin dans la noirceur. La drogue. Ca commence doucement par des joints, et ça enchaine rapidement sur la cocaïne et le speed. Bientôt, Hestia ne peut plus s’en passer. Là ou l’alcool la rendait plus sereine sans se soucier de rien, la drogue la boostait, lui donnait l’impression d’être productive, sans cesse. Elle peint sans doute ses meilleurs tableaux durant cette période, et c’était bien cela le plus triste.

Hestia s’enfonce dans sa relation de couple qui la rendait presque dépendante affective. Presque tout dépendait de ce garçon, ses choix, son humeur, ses projets. Et lui, n’était pas réellement investi. Au fond, la drogue était leur seul point commun. Un soir, avec des amis, Hestia frôle l’overdose. Son nez saigne, elle convulse, et s’écrase sur le sol. Les secours arrivent à temps, fort heureusement.

C’est après cet épisode dramatique qu’Hestia se rapproche à nouveau de sa famille, se rendant finalement compte que cette relation la poussait vers le fond. Ses parents lui parlent de cure, qu’ils veulent la forcer à faire. Elle refuse au départ, mais ne voyant pas d’autres issues, accepte finalement d’y aller pendant quelques mois. La cure a lieu en Italie, l’occasion pour elle de renouer quelques liens sains avec sa famille éloignée.

Mais Hestia n’apprit pas tout de suite de ses erreurs, malheureusement. De retour à Galway, et voyant que son copain s’éloignait de plus en plus d’elle, elle ne le supporte pas. Le fait qu’elle ne consomme plus et que lui continue creuse un énorme écart entre eux. Il est détestable, et agressif avec elle. Un soir, lors d’une dispute, il la saisit par le bras et la pousse violemment contre le mur. Hestia attrape une bouteille et prend la voiture en trombe, choquée de la situation.

Totalement saoule au volant, les larmes aux yeux, Hestia roule, longtemps, et à toute vitesse. N’importe comment. Sans destination. Forcément, le pire se produit, dans une ruelle silencieuse, ou elle percute quelqu’un. Une jeune femme. Belle, avec sans doute toute la vie devant elle. Hestia resta longtemps sous le choc, devant ce corps inerte… Avant de fuir. Sans rien dire. Lâchement. Et chaque jour, cette soirée continue de la hanter.

Par la suite, elle a totalement accepté la cure, une thérapie, de voir un psy, d’aller aux alcooliques anonymes, bien décidée à se racheter une conscience. C’est difficile, certes, c’est même un combat de tous les jours. Mais Hestia est persuadée qu’elle réussira à se relever, et qu’elle n’est pas quelqu’un de mauvais, seulement quelqu’un toujours guidée par ses mauvais choix. Elle y arrivera un jour, elle le sait, elle le sent.

Désormais sobre, elle est maintenant artiste-peintre à temps plein et vend ses créations, qu’elle expose aussi de temps en temps dans des galeries de Galway. La nouvelle Hestia est celle qu’elle a toujours rêvé être, et cette fois, rien ne viendra gâcher cela.