NOAH E. BECKMANN - Beautiful dirty rich

Son père ne voulait pas de fille, elles ne sont pas bonnes pour les affaires. Son père n’aimait pas les filles, elles ne ramenaient que des emmerdes. Son père n’aimait pas sa propre fille, Noah. Il ne l'a jamais aimé et ne s'en est jamais caché. Pourtant elle était bien là, Noah, elle avait son sang. C'était une Beckmann et il fallait bien qu'on l'éduque comme tel. Un vrai fardeau pour ce connard misogyne qui s'était mis en tête de construire son empire avec ses fils. Ses fils. Il n'avait voulu que des fils et c'est sans doute pour ça qu'il a refourgué ce prénom masculin à sa fille. Noah. Parce qu'il avait été à fond dans ses plans à l'époque et qu'il ne s'était pas mis en tête qu'il était possible d'avoir une fille, il n'avait pas prévu cette éventualité. Et, ce dix-sept septembre mille neuf cent quatre-vingt-dix, c'était bien la première et seule fois qu'ils s'était laissé prendre de court. Et la mère n'avait rien dit, elle ne disait jamais rien. Surtout pas à lui si elle savait que ça ne lui plairait pas. C'était une épouse parfaite en somme, toujours aux petits soins et discrète. Sûrement trop. Puis dans le fond, les Beckmann étaient une famille bancale. Une mère passive, un père bien trop obnubilé par ses distilleries de whisky et ses sous, des fils qui ressemblaient de plus en plus à leur père et cette fille. Noah. Mais ils étaient riches, trop riches, alors c'était facile de cacher les imperfections. Des réceptions par ici, des petits cadeaux par là-bas... Tout était bon pour apaiser les tensions et apporter un semblant d'unité dans cette famille. Il suffisait juste de mettre la main au porte-monnaie. Et ça marchait.



Noah était bien trop jeune pour se rendre compte de la réalité qui l'entourait. Elle ne comprenait pas réellement les raisons du rejet du paternel. Pourtant elle l'aimait. Il était son père. Et c'était sans doute parce qu'elle l'aimait qu'elle redoublait toujours d'efforts pour lui, sans relâche et jour après jour. La petite blonde était persuadée qu'à force de persévérer, il finirait par l'apprécier et peut-être même être fier d'elle. Elle pensait que son grand-frère était également passé par là, que son petite frère passerait par là lui aussi et qu'il fallait donc mériter cette reconnaissance et cette confiance. Quelque part, c'était sans doute bénéfique pour la petite blonde qui s'évertuait alors à toujours ramener de bonnes notes, qui cherchait l'excellence dans tout ce qu'elle entreprenait. Mais Noah était aveuglée par cette admiration et son amour qu'elle portait à son père, elle trouvait toujours des excuses pour justifier son attitude. Et si en grandissant elle se rendait de plus en plus compte de cette situation qui crevait pourtant les yeux depuis le départ, Noah ne l'admettait pourtant pas et préférait rester dans ce déni malsain. Elle était sûrement bien trop innocente et trop jeune encore, et sans doute trop têtue aussi, pour réaliser que le combat n'en valait vraiment pas la peine et qu'il valait alors mieux abandonner. Ce qu'elle n'avait évidemment pas voulu faire.



Puis vint ce qu'on appelle le fameux point de non retour, ce moment où la vérité avait commencé à s'insinuer tout doucement dans l'esprit de Noah. Elle titillait la blonde, la piquait et répandait petit à petit son venin douloureux tout en embrouillant ses pensées et tout ce qu'elle avait bien pu croire depuis des années. Se prendre un camion de plein fouet aurait sûrement été bien plus rapide et moins douloureux à long terme pour la blonde qui avait grandi et était alors devenue une jeune femme, une belle jeune femme même. Elle venait de fêter son vingt-deuxième anniversaire quand tout avait commencé à sérieusement dégringolé. L'équilibre étant déjà bien fragilisé. Les affaires allaient étonnement bien pour le coup, et sûrement trop bien puisque le paternel avait commencé à faire des investissements pas tout à fait clairs voire un peu louches et avait commencé aussi à toucher à ce qu'il ne fallait pourtant pas toucher. Petit à petit il jouait dans l'illégallité, il s'était rapproché des mafias russe et italienne. Et quand bien même ça rapportait pas mal d'argent dans le porte-monnaie, il n'aurait pas dû se frotter à ce monde-là. Mais ça il s'en est rendu compte trop tard, bien trop tard même puisqu'il n'a pas su retenir sa femme quand cette dernière a finalement décidé de quitter le navire Beckmann. Elle était partie, la maman de Noah. Elle était partie refaire sa vie en claquant la porte, sans se retourner une seule fois ni donner de nouvelles par la suite.



Et puis Noah avait fini par réellement se rendre compte de toute cette mascarade. Se rendre compte que finalement elle n'avait jamais eu ce statut de "fille" pour son père, qu'elle n'était qu'un simple petit pantin de bois pour lui et que jamais elle n’aurait sa confiance ni n’aurait sa place dans l’entreprise pourtant dite familiale. Tout ces dîners d’affaires et ces soirées mondaines où il avait bien voulu emmener Noah avec lui, ça n'était que pour mener à bien ses projets. Après tout, être accompagné d'une jolie demoiselle lors de ces évènements pour permettre aux collaborateurs de se rincer l’œil ne pouvait être que positif lorsqu'il s'agissait d'affaires. Donc tout les efforts que Noah avait fournit et toutes les exigences qu'elle avait su satisfaire n'ont finalement profité qu’aux plans misérables du patriarche. Noah n’avait jamais eu le droit non plus à un seul pas de travers. Si elle faisait la moindre erreur, c’était une pluie d’insultes et de reproches qui s’abattait sur elle. Ça aussi elle en avait pris conscience lorsqu’elle s’était aperçue qu’à son petit frère, plus jeune de quelques années, on lui pardonnait tout ses écarts et ses fautes qui étaient pourtant bien plus compromettantes pour les affaires que celles de la jolie blonde. Alors elle avait déraillé, Noah. Elle avait complètement pété un câble et était prête à tout pour attirer un peu l’attention sur elle et montrer qu’elle existait finalement. Prête à tout, même au pire s’il le fallait.



On se souciait peu d’elle, Noah, et on l’écartait même des réunions familiales quand il s’agissait d’affaires. La trouvait-on trop naïve ? Pas assez intelligente ou trop ’’femme’’ pour réussir à gérer elle aussi d’une main de maître ? Pourtant on ne pouvait pas nier qu’elle était justement intelligente, la blonde, elle était rusée et avait plus d’un tour dans son sac. Alors elle avait voulu attirer l’attention, Noah, elle voulait qu’on se rende compte qu’elle était toujours là et qu’elle existait elle aussi. Elle voulait qu’on se préoccupe un peu d’elle. Mais laisser la colère, qui avait peu à peu remplacé cet amour et cette admiration que Noah vouait à son père, la diriger n’était sûrement pas l’une des meilleures idées qu’elle avait pu avoir jusque là. Si au début on pouvait comparer tout ce petit raffut que la blonde faisait à de simples appels de phares, la situation a pourtant très vite déraillé. Noah ne gérait plus et avait même pris un certain goût assez inquiétant à se foutre dans la merde et les foudres du paternel. Elle aimait ça, s’attirer les problèmes. Quels qu’ils soient. Parce qu’elle ne voyait en eux qu’un défi de plus, un moyen d’avoir un peu de contrôle et de se sentir en quelques sortes importante. Puis, par-dessus tout et bien qu’elle risquait de faire capoter la société et la famille, elle faisait chier son père. Elle voulait lui faire regretter, et pour ça Noah avait en mille et un plans encore en réserve. Quitte à s’égratigner au passage, c’était ce qu’elle voulait et ce qui lui plaisait.