Lost and found - Diane Miller

Naître dans une famille où l’argent ne viendra jamais à manquer, quel bonheur. Quel bonheur, d’être le second enfant d’une fratrie de trois. Grandir dans un environnement où tout est beau, où l’esthétique compte tant. Où la perfection est de mise, quoi qu’il arrive. Quel bonheur, d’être la préférée de maman. Quel bonheur, de faire la fierté de papa dès son arrivée au monde. Quel sensation immaculée. Que le rêve est beau, que l’ambition est agréable ! Petite fille à papa et maman, Diane a ouvert les yeux en étant un espoir. Un nouveau souffle. Son frère aîné d’à peine deux ans atteint d’autisme était une vraie perte de temps aux yeux de ses géniteurs. Alors, quelle joie que d’apprendre que non seulement, c’est une petite fille, mais qu’en plus elle est en parfaite santé. Elle a les beaux yeux de papa, les cheveux d’un brun intense comme maman. Alors c’est ainsi, que Diane a passé la majorité de son enfance. Petite fille privilégiée, toujours protégée.


Puis, Papa s’est effacé. Ses affaires ont disparues, du jour au lendemain. L’image du père parfait s’est envolée. La vérité, c’est que papa avait trouvé mieux que maman. Et surtout, bien plus jeune. Les pétales s’étaient flétris, et attendre la nouvelle saison était trop longue. Alors papa avait simplement racheté une nouvelle fleur. Mais voilà, tout est dans l’apparence. Une apparence qu’il faut sauver, parce que les choses sont ainsi. Parce que le monde ne doit pas savoir quand maman devient trop vieille. Le monde ne doit pas percevoir que maman est fatiguée, qu’elle est sur le point de flancher. Les obligations subsistent. Alors papa revenait, ici et là. Papa faisait bonne figure, lors de leurs fameuses soirées si importantes. Celle avec un nombre incalculable d’invités, tous présents uniquement pour évaluer la fortune du foyer. Tous présents uniquement pour savoir ce qu’ils pourraient tirer de leurs amitiés. Alors, il a fallu grandir. Garder la face, sourire. Ne rien laisser transparaître. Il fallait faire comme les grands, tout en ayant à peine treize ans. Alors Diane l’a prit au pied de la lettre. Elle a passé des heures à observer l’ennemi, pour reproduire son comportement. Pour se fondre dans la masse, en espérant qu’un jour, elle aussi elle aurait droit à ce privilège, non pas grâce à ses parents, mais de par son propre nom. Alors Diane s’est saisie d’un verre, puis deux. Et quand papa avait le dos tourné, peut-être même une cigarette. Elle avait droit au succès, sans même savoir qu’elle était utilisée. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas, pour rester éveillé bien trop longtemps lorsque l’on a pas l’âge ? Qui plus est pour assister à une soirée constituée d’adultes. Alors papa et maman ont décidé de la faire chanter. Elle était belle, au centre de la pièce. Elle était une jolie distraction, pour des yeux bien trop abîmés par l’age. Mais comment aurait-elle pu le constater, elle dont les yeux étaient bandés ? Il n’y avait que beauté et magie, dans un univers de paillettes. Parce qu’évidemment, une fois les confettis lancées, une fois les paillettes éparpillées, on ne pense pas être celui devant nettoyer.


Un jour, Lily est arrivée. Sur son passage, elle a tout chamboulé. L’équilibre renversé, comme si jamais il n’avait existé. Lily, on ne sait pas d’où elle sort. On ne sait pas d’où elle vient, et plus précisément de qui. Le père reste un immense mystère, et sujet très peu abordé. Sûrement parce que pas le temps. Parce que dès que Lily a pointé le bout de son nez, elle est devenue mère. Sa propre mère, ainsi que celle de Micky par la même occasion. S’assurer qu’il prenne bien son déjeuner le matin, le midi, le soir. S’assurer qu’il ne soit pas sujet de moqueries, ou pire encore, qu’on ne l’utilise pas comme ballon de foot à la récré. Diane a grandi vite, trop vite. Elle est devenue mère d’un jour à l’autre, sans que l’avortement ne soit réellement une possibilité. Et ce uniquement parce que Micky n’était pas sien. Mais leur sang était étrangement le même, alors de nouveau, les obligations s’imposent. Certains composants sont les mêmes. Ils sont de la même marque, mais comme disait papa, l’un est plus développé que l’autre. Mais papa est né menteur. Il est né avec un paquet de secrets, et sera probablement enterré avec. Ainsi qu’avec toutes les cartes qu’il n’a pas envoyées. Tous les joyeux anniversaires qu’il n’a pas prononcé. Tous les je t’aime qui se sont évaporés, comme s’ils étaient interdits. Alors Diane s’est assuré que Micky ne subisse pas ça. Peu importe à quel point son corps lui criait que c’était fatiguant, peu importe à quel point son instinct lui hurlait d’abandonner et de partir en courant. Son unique but fut alors d’offrir protection et amour, en une dose démesurée. Simplement pour s’assurer qu’aucun être ne lui étant cher manquerait de ces choses comme elle.


Et puis soudainement, maman est morte. La lumière s’est éteinte brusquement, laissant le corridor plongé dans un noir glaçant. Les murs se sont rapprochés, jusqu’à provoquer l’étouffement. Un accident de voiture, ils disaient. Mais Diane n’a jamais voulu entendre. Ses oreilles le refusaient. Aucun son ne lui parvenait. Soudainement, elle avait été privée de tous ses sens, de tous ses repères.  Alors elle a prit ses jambes à son cou. A ses dix huit ans, l’héritage de maman en poche, elle est partie de la maison sans se retourner. Papa était parti s’installer ailleurs, avec fleur numéro trois. Il n’avait pas su conserver l’autre, alors il l’avait jetée elle aussi. Diane est partie, laissant Micky aux horribles mains de papa. La culpabilité l’a rattrapée. Très vite, son âme est devenue trop pesante. Alors, avec l’héritage de maman, elle s’est trouvée un petit studio, loin du luxe auquel elle avait toujours eu droit. Ainsi, elle a apprit que rien ne dur, et que rien n’est destiné éternellement. Puis l’argent de maman a servi pour d’autres investissements, tous moins propres les uns que les autres. La bouteille de vin tous les soirs, parfois celle de gin. Les cigarettes, tous les jours. L’herbe, la poudre. Si maman était là pour voir ça, Diane mettrait ses enseignements en application, lui assurant que tout ça n’était qu’anti-douleurs. Mais maman ne demeure plus. Maman n’était que passagère. Un verbe d’état, dont le statut s’est vite dégradé. Sa mémoire fut tâchée, son honneur sali. Et ce, par sa propre fille.
 4 ans plus tard, Diane n’a jamais revu Micky. Elle n’a emporté avec elle que les souvenirs. Le son de sa voix s’efface, son visage devient flou. Son odeur si singulière s’évapore, tout comme maman. Et il n’y peut plus rien, si ce n’est tenter de se persuader qu’il est là tout près, lors de nuits d’ivresses. 4 ans plus tard, Diane a laissé tombé le succès et la vie de grande privilégiée. Elle est devenue un pion sur l’échiquier auquel on ne touche même pas. Elle est passée du côté obscur, à l’autre bout de la terre. Anciennement modèle de conduite, présentement modèle à ne surtout pas suivre.