Zachary Robson — Leave me in peace.

" Bonjour monsieur, allez-y entrez et asseyez-vous. "

Me voilà entrant dans un bureau, retirant mon casque de mes oreilles, faisant face à cette femme que je ne connais pas et qui ne me connais pas. Pas encore. Pas vraiment tout du moins. Elle connait une partie de ma vie, celle écrite par ses confrères. Mais ça s'arrête là.

" Puis-je filmer notre entretien ? Ou préférez-vous simplement l'enregistrement audio ? "

J'hausse les épaules, ne la regardant pas, ou à peine. Dès qu'elle tourne son regard sur moi, je détourne le mien. Je m'assois. Le fauteuil est confortable, j'ai envie de m'y blottir et ne de pas en sortir. Mais je me dois de rester droit, correct et de ne pas mettre les pieds sur le tissu. Tant pis, je me referme physiquement, posant les avant-bras sur mes cuisses, tirant autant que je peux sur mes manches afin de cacher mes ongles rongés autant qu'il est possible, les yeux rivés sur le plancher vernis. Le silence est le seul bruit qui se fait entendre. Il est stressant. Ah si, j'entends la grosse horloge d'une époque plus que passé, le tic tac est hypnotisant. Jusqu'à ce que la voix de la femme brise le silence environnant.

" Je suis Madame Adkins. Et vous ? Que pouvez-vous me dire sur vous ? Commencez par votre enfance s'il vous plait. "

Sa voix est douce, rassurante, enivrante. Je me mords la lèvre, bougeant frénétiquement les jambes sur lesquelles je suis appuyé. Je réfléchi. Non pas que je ne sais pas qui je suis, mais si je dois lui répondre.
Quelques minutes passent, le silence et le tic tac pour seul compagnie.

" Je suis Zachary. Zachary Robson. J'ai un grand frère, de 8 ans mon aîné. Il est connu. Enfin, chez moi, en Australie il l'est..."

Je me pince les lèvres. Il me manque. Terriblement. C'est certainement réciproque, on était proche avant. Mais depuis quasi toute ma vie, il a toujours était très occupé. Du plus loin que je me souvienne. Il enchaînait les cours de danse, alors que moi, je rêvais d'être comme lui étant petit. Quand je fus assez grand, j'ai commencer la danse moi aussi. J'ai commencé alors que j'avais à peine 10 ans. Et, dès le premier jour où j'ai mis les pieds dan une salle de danse, dès les premiers pas de la chorégraphie entamé, je savais que c'était fait pour moi.

" Il est animateur de télé. Et chorégraphe. Il était mon mentor... "

Les derniers mots eurent du mal à sortir. Pourquoi était-ce du passé ? Pourquoi tout à changé ?
Je ne suis pas le seul à me poser la question. Mme Adkins me le demanda.

" J'étais danseur. Professionnel. Hip-hop, danse moderne, break dance... Mais ... Mais j'ai arrêter. "

On m'a forcé à arrêter serait plus juste. Et la raison de cet arrêt n'était pas le but rechercher. Pas l'arrêt de cet amour, mais d'un autre. Et c'était la raison de ma venue dans ce cabinet de psy. En parlant d'elle, je sens son regard posé sur moi. Ca me stresse, m'angoisse. Mes doigts se crispent en s'entremêlant entre eux toujours cachés sous mon pull distendu. Je ne veux pas en parler. C'est trop douloureux. Je ne veux  pas y penser. Je veux que ça me sorte de la tête. Je veux que ça ne se soit jamais passé. Mais c'est bien arrivé. Un cauchemar devenu réalité. Ma réalité.
Pourtant, ma réalité d'avant était bien plus belle. J'étais le danseur que tous les groupes voulaient avoir. J'avais mes réseaux, mes interviews, mes fans et surtout depuis cette émission de danse qui avait cartonné, j'avais même mes paparazzis.

" Pourquoi avez-vous arrêtez Zachary ? "

Je sers la mâchoire. Tente de relever la tête vers mon interlocutrice mais je n'y arrive pas. Je suis bien trop abattue pour avoir assez de force pour la regarder. Puis, elle m'observe. Encore et toujours. Bon, je sais, c'est son métier, mais j'aime pas ça. J'aime pas qu'on me regarde. J'aime pas qu'on m'observe. Plus maintenant.  J'ai danser avec les plus grands. Je brillais sur scène. J'aimais qu'on me regarde, qui m'admire même ! Mais ça, ça c'est le passé.

" Je sais que c'est difficile Zachary, mais vous savez, si vous gardez tout pour vous, ça vous détruira de l'intérieur. Vous mais aussi votre entourage. "

Ça, c'était le mot de trop. Je sens mon coeur battre dans mes tempes.

" Mon entourage... "

Je lâche un rire nerveux, un rire jaune. Les palpitations s'accélèrent.

" Mon entourage... "

Je me répète, un peu plus fort a chaque fois. Avant de relevé la tête brusquement, faisant sursauter la psy lorsque je reprend la parole alors que la colère reprend possession de moi. Ça s'entend dans ma voix, mes poings sont serrés mais non visible sous mes manches.

" Mon entourage ? De quel entourage parlez-vous ? Mes parents ? Ils m'ont envoyé en hôpital psy ! Mon homme ? Il m'a largué car il ne me supportait plus. ' bats-toi ! ' me répétait il tout le temps ! ' T'es pas une mauviette, relève toi et assume se que t'es. ' qu'il a osé me dire. Il a osé me dire ça a moi !? A moi ! "

Ma haine a cet instant était ingérable. Ma gestuelle était démonstrative. Je n'acceptais pas ces mots. Ses mots. Comment avait-il pu ? Qui c'est qui c'était interposé contre ces connards qui l'avaient balancé au sol ? J'étais pas une mauviette a ce moment-là. Je lui avais très  certainement sauvé la vie. Et après ça c'était moi la mauviette ? Moi qui avait tout perdu pour sauver sa vie. J'étais hors de moi.

" Je comprends Zachary. Je comprends votre colère. "

Non. Non elle ne pouvait pas comprendre. Cependant, moi je comprenais la peur qui s'affichait sur son visage. Il se figeait. Elle, elle se crispait tout en tentant de rester neutre.
Mais c'était pour cela que mes parents avaient fait ce choix pour moi. Ils avaient décidé ça, sans m'en parler. Lui aussi avait consenti à cet internement. Il s'en était voulu, il me le disait chaque jour qui suivait ma sortie, 3 mois plus tard. Mais cela n'avait fait qu'aggraver les choses au lieu de les arranger. Je m'en prenais de plus en plus souvent contre mon âme sœur, et lui, il supportait. Il a supporter longtemps. Trop longtemps.

" Qu'est-ce que vous comprenez ?! Hein ? J'ai perdue ma passion pour lui ! "

Elle hoche la tête. L'énervement m'avait fait monter mon rythme cardiaque. J'étais essoufflé. Le regard plonger sur elle, je le détourne quand le sien s'apprête a croisé le mien après avoir fini d'ecrire.

" Je comprends l'injustice que vous me parlez. Je sais que c'est difficile mais, s'il vous plait,  parlez moi de ce qui vous êtes arrivé. "

J'essaye de me ressaisir mais ce n'est pas si simple que ca. Rien n'est simple dans ma vie depuis des années. Et rien que le fait de devoir en parler était difficile. Mais ça, c'était normal a se qu'on me disait. Mais est-ce normal d'être terrifié a ce point malgré toutes ces années passées ? Est-ce normal de se senti submergé par la panique rien que d'en parler ?
Je me lève d'un bond. Triturant me cheveux détachés en tournant autour de mon fauteuil que je venait tout juste de quitter. La peur m'envahissait. La paranoïa s'emparait de moi.

" Non... Non non non... "

Et voilà, une énième crise de panique. J'avais arrêter de les compter. L'homme qui partageait ma vie aussi, avait arrêter de les compter.

" Non... Non je ne peux pas... "

Des flashs me revenaient. Comme si j'y étais. C'était violent. C'est violent. Je fais trois pas en arrière en titubant. Totalement replonger dans l'instant passé. Et je fini en boule contre la gigantesque bibliothèque de la psychologue. Les mains au dessus de la tête pour me protégé, je me sens vulnérable.
Je ne l'entends pas mais elle s'est lever. Elle s'est rapproché de moi pour venir me calmer. Elle essaye Madame Adkins. Elle tente a la voix dans un premier temps mais je refuse de l'écouter. Je l'entend a peine tellement je suis parti loin dans mon passé. Alors, Madame Adkins pose une main sur la mienne. Je sursaute mais j'entends enfin sa voix.

" Zachary. C'est moi, votre psychologue. Tout va bien, je suis là...  "

Je la reconnais. Cette voix douce... Cette voix rassurante... Je la laisse faire lorsqu'elle me retire les mains de ma tête et redresse cette dernière. Comme a mon habitude, je fuis son regard, je le détourne et baisse les yeux, restant en position accroupi contre le meuble plein de bouquins.

" Pourquoi est-ce que c'est tomber sur nous ? "

J'ai la voix tremblante. Les yeux humide de perles salées.

" Spencer voilà nous ramener... J'ai refuser... Tout est de ma faute... "

Il est vrai que je n'en aurait pas fait qu'à ma tête, peut-être qu'on n'en serai pas là  aujourd'hui. Peut-être que j'aurais pu demander en fiançailles l'homme qui fait battre mon coeur, encore aujourd'hui.
Je souhaitais profiter de cette fin de soirée en tête à tête avec mon homme. On avait fini à l'hôpital. Tous les deux. Lui, il s'en sortait plutôt bien. Il pu rentrer à la maison seulement 3 jours après l'agression avec une épaule démise. Moi, je passa plus de 4 mois à l'hôpital. Ils m'avaient tabassé à coup de pied, de batte de baseball, et je m'étais même prit une balle dans la cuisse. Sectionnant le quadriceps dans la foulée. Il me fallu des mois de réadaptation pour me tenir à nouveau debout, puis pour marcher. Mais, cette blessure là, c'était la pire de toutes, mettant fin à ma carrière de danseur. C'est pour cette raison que j'ai arrêter la danse. Ce n'était pas de mon plein gré.

" Rien n'est de votre faute. Vous n'avez pas à vous en vouloir. "

" Si c'est de ma faute. C'est de ma faute si je n'ai pas su reprendre ma vie en main. Lui a bien réussi à remettre les pieds sur terre. Lui n'a pas de traumatisme comme moi. Lui n'a pas peur des hommes... Lui n'a pas su me sauver..."

Après plusieurs minutes de tic tac pesant, je me redresse, me tenant contre le meuble imposant.

" Vous savez quoi ? Le pire, c'est que je l'aime. Mais je lui fais peur. "

J'avais retrouvé ma voix douce et posée. On pouvait entendre tout l'amour que j'avais pour cet homme qui m'avait rejeté après avoir fait tant d'effort pour moi. On avait tout quitter pour recommencer notre vie à zéro. C'est ainsi qu'il y a maintenant 6 mois qu'on avait quitté notre terre natale, notre Australie chérie, pour venir s'installé ici. A Galway. On avait tout lâcher. Nos boulots - et surtout le sien car le mien, je l'avais perdu ce soir là, le 6 Juin 2014, le soir de notre agression lorsque nous sortions d'un bar gay.
Parce que oui, je ne vous l'ai pas dit, mais c'était une agression homophobe. En plus des coups portés, on a essuyé des insultes homophobes. Nos agresseurs étaient des types en apparence tout à fait normal, lambda.
C'est pour cette raison que, désormais, je n'ai plus aucune confiance aux hommes. Mise à part mon ex futur fiancé. Mais, pour le coup, c'est en moi qu'il n'a plus aucune confiance...

Un bip me sort de mes souvenirs douloureux. C'est mon portable. Mon réveil plus précisément. Je me redresse afin de rejoindre le fauteuil. Bien plus calme qu'il y a quelques minutes. Je lis le message affiché sur l'écran.

* Putain t'es où ? On t'attends pour ton service ! La plonge va pas s'faire toute seule ! Ramène ton cul ! *

Je me mords la lèvre, ayant complétement mon service de ce midi. C'était Katie, la fille qui m'avait trouvé ce petit job de remplacement le temps que sa plongeuse revienne de ses vacances. J'étais septique au départ mais, quand j'ai vu qu'il n'y avait que des nanas dans ce resto, j'ai pas hésiter longtemps pour accepter. C'était rare les équipes que de femmes. C'était tendu mais ça me convenait d'être le seul homme.

" Eh merde ... J'dois partir bosser. "

Je me lève et prend la direction de la porte. Au moment où je pose la main sur la poignée, je m'arrête net et, sans me retourner, dit ces derniers mots à Madame Adkins.

" Excusez-moi pour ma crise... Je reviendrais. "