Shoshana O. Braumann - J'suis passée chez Shosh

Personne n'est capable de se souvenir de sa naissance, c'est scientifique, le cerveau du nouveau-né est trop immature pour graver ce moment dans sa mémoire, cela dit, on peut tout de même en garder des séquelles.

La naissance de Shoshana ne se passa pas de la meilleure des manière, certes sur le plan physique elle se portait bien, elle était petite, mais restait dans la moyenne... Aucun trouble visible donc à priori, c'était parfait, à l’exception du fait qu'elle hurlait. Oui, les premiers pleurs du bébé à la naissance sont communs, car d'un coup, après avoir passé plusieurs mois dans du liquide amniotique, il se retrouve à devoir utiliser ses poumons et respirer, mais pour la Braumann, c'était différent, elle ne se calmait pas, même au contact de la peau de son père, elle restait inconsolable, et cela, pendant de longues minutes.  

Une minute et demi avant que l’obstétricien ne sorte Shoshnana Braumann du ventre de sa génitrice, il avait dû en tirer d'urgence son jumeau, Abel Braumann, celui-ci étant en grande détresse, il avait alors été confié à l'équipe de néonatologie.

La mère avait refusé le peau à peau avec la petite fille, tellement préoccupée par son fils en danger, son prince, elle en oubliait l'existence de Shoshana bien que la pauvre petite faisait tout pour se faire remarquer.

Le Papa, lui aussi terriblement inquiet se sentait démuni en berçant sa petite poupée. L'équipe médicale affirmait qu'elle allait bien, mais la jeune Shoshana continuait de crier son malheur, elle avait été amputée de sa moitié qui lui n'allait pas bien.

Une fois Abel stable, mais Shoshana toujours inconsolable, M. Braumann supplia le personnel soignant de réunir ses deux enfants, le père était persuadé qu'ils seraient mieux l'un avec l'autre. Grâce à la bienveillance d'une interne, Shoshana fut placée près de son frère et se calma aussitôt.


Le mot qui désignait parfaitement la relation entre Shoshana et sa mère pendant sa petite enfance était « indifférence ». La mère de famille se consacrait intégralement à Abel, son fils, son petit miracle, qu’elle couvait et surprotégeait, la petite blonde en aurait pu être jalouse, mais non, elle aussi aimait plus que tout son jumeau alors qu'il soit heureux et en sécurité était plus important que l'amour de sa mère.

La Braumann avait tout de même la chance d'être entourée d'une famille aimante, son père qui malgré ses nombreux voyages d'affaires, savait se rendre disponible pour les jumeaux, il y avait aussi ses tantes et leurs compagnons, toujours là pour apporter un peu d'amour à la petite blonde timide et angélique qu'était Shoshana Braumann . Elle passait énormément de temps avec les Beckmann chez qui elle se sentait bien, il y avait ses cousins, un peu embêtants parfois, mais jamais vraiment méchants, mais surtout, il y avait Noah, sa cousine, celle qu’elle considérait comme une petite sœur à protéger. En grandissant Shoshana commençait à s'affirmer un peu plus, ce qui agaçait sa mère qui ne pouvait plus l'ignorer... Ni l'aimer, tout son amour étant exclusivement réservé à Abel, alors toute cette frustration l'amena à lever la main sur sa fille, et ce, à plusieurs reprises.

L'ambiance à la maison devint plus compliquée pour la blondinette, alors qu'elle commençait à peine à s'ouvrir aux autres, ce premier coup la fit se refermer comme une huître, et puis il y avait ce garçon qui passait tout son temps chez eux, il était le meilleur ami d'Abel, avait des soucis familiaux et été très apprécié par les Braumann qui était presque prêt à l'adopter, Shoshana l'avait en travers de la gorge, ce garçon, elle ne l'aimait pas, il lui volait sa moitié.

En arrivant au secondaire, les jumeaux furent séparés, chacun sa classe, Abel lui était apprécié de tous, mais pour Shoshana, c'était bien différent, sa timidité maladive la rendait bizarre aux yeux des autres, de plus ses vêtements qui couvraient entièrement son corps couvert de bleus, n'étaient pas à la mode. Ce look considéré comme ringard et les lunettes qu'elle portait la faisait passer pour une intello, alors que la pauvre n'avait pas un niveau scolaire très élevé. En bref Shoshana Odette Braumann était la risée de sa classe.

Un soir vers l'âge de 12 ans, Shoshana fit une crise d'angoisse, respirant difficilement elle se précipita vers la chambre de son jumeau absent, Abel passait la nuit chez son meilleur ami pour une fois que ce n'était pas lui qui squattait... Désemparée, elle tenta de se soulager avec l’inhalateur qu’elle avait toujours avec elle pour l’asthme de son jumeau, mais c'était sans succès, il n'y avait que lui pour la rassurer... Son père aussi état absent, et il était hors de question de déranger sa mère pour ça... C'est donc dans la cuisine qu'elle se réfugia, à la base pour se prendre de l'eau sans se douter qu'elle finirait par engloutir tout ce qui lui passait sous la main, elle mangeait et mangeait, les larmes aux yeux, pour apaiser son angoisse et tenter de combler ce vide intérieur qu'elle ressentait, elle mangea alors jusqu'à s'en rendre malade.


Shoshana avait bien changé physiquement en ces quelques années, elle ne portait plus de lunettes, elle s'habillait désormais comme elle le voulait et non plus pour cacher les bleus... Ils étaient toujours là, mais à présent elle les maquillait. Tous les matins, elle prenait soin d'elle pour cacher les maltraitances de la veille. Ses camarades n'étaient cependant pas moins tendres avec elles, ne pouvant plus rien dire sur son allure et son physique, ils s'attaquèrent à sa relation avec son frère, la qualifiant d'incestueuse.

Elle venait d'avoir 15 ans quand elle croisa le regard de l'adolescent qui allait changer sa vie, il s'appelait Tristan, il était français et fils de diplomate. Ce beau garçon qui avait tout pour lui était nouveau dans l'établissement, il venait tout juste de s'installer à Dublin alors que son père était nouvellement nommé Ambassadeur de France en Irlande. En tant que nouveau, il aurait pu se ranger près des « populaires », les écouter et éviter la Braumann, mais il préféra s'en faire sa propre opinion et s'asseoir près d'elle pour leur cours de science. Le pauvre garçon eu du mal à lui faire dire autre chose que « oui » ou « non » durant ce cours, il lui fit d'ailleurs la remarque qu'elle serait nulle au jeu du « ni oui ni non » ce qui lui décrocha un sourire et la fit répondre « N'en sois pas si sûr »

Tristan s'installa près d'elle à chacun des cours qu'ils avaient en commun, Shoshana était toujours bien trop timide et renfermée pour avoir une réelle conversation avec lui, mais lui n'insistait pas plus, il se montrait juste présent.

Les semaines passèrent ainsi, et c'est après un cours de sport que Tristan retrouva Shoshana, près des vestiaires en pleine crise d'angoisse, le reste de la classe était déjà partie et la blonde paniquait totalement, la douche qu’elle avait du prendre avait naturellement retiré le maquillage de ses bleus et elle n'avait plus rien pour les couvrir, elle se sentait idiote, ne voulait plus voir personne, elle ne voulait qu'Abel... Pleurant à chaudes larmes elle se balançait d'avant en arrière tentant d'appeler son jumeau sur son téléphone, mais tombait systématiquement sur son répondeur. L'adolescent s'approcha d'elle alors pour tenter de l'aider et remarqua rapidement ses blessures, alors sans rien dire, il retira sa propre veste pour la lui mettre sur le dos et cacher ainsi une grande partie des marques. La blonde encore tremblante releva les yeux vers lui et se cala dans ses bras pour pleurer, finissant par absolument tout lui raconter.

Shoshana ne pouvait pas s'arrêter d'un coup ses crises de boulimies et encore moins faire face à sa mère, mais elle savait qu'elle pouvait se réfugier dans les bras d'Abel à la maison et parler avec Tristan au lycée. Après un appel passé à sa cousine Noah pour obtenir son avis et quelques conseils, celle-ci lui ordonna de foncer alors le lendemain, Shoshana prit son courage à deux mains et révéla ses sentiments à Tristan, sentiments qui avaient bien l'air partagés vu que le jeune homme se mit à l'embrasser. Tout aurait pu être parfait, mais Shoshana prise de court et par réflexe répondit à ce baiser par un coup de genoux dans les parties du pauvre adolescent. Elle fut immédiatement prise de remords et s'excusa, mais Tristan lui riait, reconnaissant qu'il aurait dû lui demander sa permission. Malgré les circonstances de ce premier baiser, les deux adolescents commencèrent à sortir ensemble, tout deux étaient tombés amoureux et Shoshana, telle une fleur, s'épanouissait peu à peu grâce à ceux qu'elle aimait.


Ce matin-là Shoshana était de bonne humeur contrairement à son jumeau qui avait un mauvais pressentiment, la blonde tentait alors de le faire sourire avec une boutade sur des rides précoces qui ne tarderaient pas à arriver s'il continuait de froncer ainsi les sourcils, elle paraissait joyeuse la Braumann, mais au final, si son Babibel était préoccupé elle l'était aussi. Cependant, ce jour-là, la jumelle voulait se montrer rassurante et protectrice envers lui, ne pas lui montrer que ses inquiétudes la taraudait également. Après avoir accompagné son jumeau au gymnase, elle le laissa avec un baiser sur la joue et se dépêcha de rejoindre le bâtiment principal pour retrouver Tristan et aller en cours. En arrivant dans la salle de science, la classe fut surprise d'y trouver un professeur remplaçant. « Bonjour à tous, je suis Monsieur Carter, je suis votre nouveau professeur de sciences, prenez place et ouvrez votre manuel à la page 394 » Les élèves perplexes s’installèrent non sans chuchoter se demandant bien ce qui avait bien pu arriver à Monsieur Burke, leur ancien prof. Monsieur Carter n'était cependant pas désagréable et prenait son rôle à cœur, un bon prof... Ainsi, les chuchotis se dissipèrent rapidement laissant une classe attentive aux enseignements de ce nouveau professeur.

Au bout de quelques minutes alors des éclats de voix retentirent dans les couloirs, une dispute entre un homme et une femme... Les voix se rapprochaient et il devenait difficile de rester concentré sur la lecture du manuel. Shoshana sentait l'angoisse monter en elle et attrapa la main de Tristan assis à ses côtés avant de tourner le regard vers la fenêtre, apercevant de là les baies vitrées du gymnase et les silhouettes d'Abel et ses coéquipiers jouant au basket. Elle souffla, des disputes dans un lycée ce n'était pas si rare, mais cette fois-ci l'interlocuteur masculin avait l'air fou de rage et en état d'ébriété, la femme devait être Madame Hall la principale, Shoshana avait cru reconnaître sa voix. La dispute se rapprochait et la classe pouvait désormais distinguer quelques mots « MA CLASSE… MON JOB… CHÔMAGE ... VOUS DEVRIEZ AVOIR HONTE » Puis une détonation, toute la classe sursauta... Le temps fut comme figé... Tout le monde se regardait, la panique se lisant dans les yeux de chacun. Et Alors que Monsieur Carter, tout aussi effrayé que ses élèves se leva de son bureau, la porte de la salle de classe s'ouvrit avec fracas. « C'est mon cours, sortez de ma classe ! » Monsieur Burke se trouvait là, dans l’entrebâillement de la porte, éclaboussé de sang et pointait une arme sur un Monsieur Carter terrifié. Tout se passa rapidement, Burke avança, referma la porte et tira sur son homologue en pleine tête. Toute la classe se mit à hurler, sauf Shoshana, elle ne pouvait pas crier, bien trop terrifiée, elle tremblait et ne faisait que penser à Abel, elle ne devait pas bouger pour ne pas attirer l'attention, mais c'était plus fort qu'elle, elle devait jeter un œil à la fenêtre pour apercevoir son jumeau... Son sang se glaça en remarquant les mouvements précipités dans le gymnase et remarquant qu'on ne voyait plus personne, que des ballons abandonnés. Tout l'établissement avait entendu... Abel, avait entendu et devait être mort d’inquiétudes... Shoshana avait l'avantage de le savoir en sécurité, vu que le danger était avec elle... Mais cet idiot n'avait pas son inhalateur, elle le savait... Il l'avait laissé dans leur casier, et celui de secours, c'est elle qui l'avait, dans la poche de sa veste, ici posée sur sa chaise. Quand les doigts de Tristan se resserrent sur les siens, Shoshana tourna le regard vers leur ancien professeur, qui mettait un bazar monstre dans toute la salle, il vidait les placards, lançait les microscopes contre les murs... La plupart des élèves s'étaient réfugiés sous leurs paillasses, à vrai dire il ne restait plus que Shoshana et Tristan à la surface, la blonde comprit alors que les pressions de son petit ami sur ses doigts étaient pour lui demander de se cacher elle aussi. « Non ! » C'était sortit tout seul, sous la paillasse Shoshana n'aurait plus la vue sur le gymnase et ça, c'était inconcevable pour elle,même si elle ne voyait pas Abel à l'intérieur, tant qu'elle ne le voyait pas en sortir elle le savait en sécurité. Burke s'était alors retourné vers elle, avait enjambé le corps inerte de son remplaçant, toujours aussi furieux, la démarche claudicante. « Tiens donc, elle n'est pas muette celle-là ! Braumann, je vous prierai de faire comme à votre coutume et de LA FERMER » Il avait alors pointé son arme sur elle et Shoshana su qu'elle allait mourir, qu'une partie d'elle allait disparaître aujourd'hui, il ne lui restait plus qu'à prier pour Abel, pour qu'il s'en sorte sans elle, pour qu'il ne soit pas trop anéanti, pour que quelqu'un veille sur lui... Son idiot de meilleur ami serait sûrement là, ce qui apaisait un peu la blonde. Elle lança un dernier regard vers le gymnase, mais alors qu'elle pensait sa fin venue, Tristan avait lâché sa main et s'était levé, entamant un discours pour tenter de ramener à la raison leur ancien professeur. Tristan parlait bien, il avait les mots, il n'était pas fils de diplomate pour rien... Elle était à la fois fière de lui et furieuse qu'il prenne autant de risque... Burke était à deux doigts de baisser son arme, les larmes aux yeux, réalisant sûrement les horreurs qu'il venait de commettre, Shoshana commença alors a avoir beaucoup de mal à respirer... Abel faisait une crise elle le savait et elle allait faire de même... Sa main alors glissa dans la poche de sa veste pour attraper l'inhalateur, elle n'avait qu'une envie, c'était de sauter par la fenêtre pour aller l'apporter à son jumeau, son mouvement dû être trop brusque, car Burke se tourna totalement vers elle, pointa son arme et tira... La jeune fille ressentit une violente douleur à l'épaule, elle refoula un cri, mais en relevant la tête elle ne vit plus ni Tristan ni Burke, deux nouveaux coups retentirent, leurs camarades avait encore une fois hurlé, Shoshana paniqué oublia la douleur et sortit de derrière sa paillasse pour découvrir les deux corps ensanglantés. « Tristan... » Il respirait encore alors la blonde se précipita vers le prennant dans ses bras malgré la douleur. L'adolescent respirait difficilement « Shana... » « Je vais bien... » Elle renifla elle le serra contre elle, il perdait beaucoup de sang... il avait dû sauter sur Burke, pour dévier la trajectoire de la balle, puis l'ancien professeur avait fini par tirer sur Tristan avant de se donner la mort. « BOUGEZ VOS CULS ET ALLER TROUVER DE L'AIDE ! » Shoshana avait crié sur ses camarades encore planqués derrière leurs paillasses, et pleurait tout en berçant son petit ami mourant dans ses bras. Puis voyant plusieurs personne se précipiter vers la sortie elle interpella une camarade. « Va donner ça à Abel s'il te plaît, il est dans le gymnase ! » Elle lui lança l'inhalateur et embrassa le front de son amoureux le serrant tout contre elle et tentant de contenir l’hémorragie, Burke lui avait tiré en pleine poitrine... Elle allait le perdre, elle le savait, mais elle ne voulait pas le lâcher. « Je t'aime » Elle déposa ses lèvres contre les siennes, elle l'entendit lui répondre d'un simple murmure qu'il l'aimait aussi puis, plus rien, plus même un souffle... Plus que le silence. Le silence et la douleur de Shoshana.





Plusieurs semaines s'étaient écoulées et Shoshana ne bougeait plus de son lit, enfin techniquement, elle ne bougeait plus du lit d'Abel... La famille s'affairait dans la maison, mais la blonde n'avait plus la force de rien... Des cartons se préparaient, Abel et leur père était aux petits soins avec elle, et leur mère aussi dans un sens vu qu'elle ne l'avait plus frappée depuis... Il était temps de partir de Dublin, de changer d'air et de se rapprocher de la famille et de rejoindre Galway. Shoshana n'en était pas mécontente, au contraire, elle allait changer d'air, changer de lycée... Vivre dans une petite ville, loin des médias qui l'avait traqué pour avoir un témoignage exclusif.. . Loin de tout ces endroits qu'elle avait fréquentés avec Tristan, loin de l'ambassade française et de son ambassadeur portant le deuil par sa faute, car oui, Shoshana se sentait responsable, si Tristan était mort, c'était à cause d'elle et de son entêtement.

Les Braumann déménagèrent donc pour Galway, emmenant avec eux cet abruti qui servait de meilleur ami à Abel... Shoshana n'avait pas objecté, à quoi bon ? Elle s'en fichait bien, il vivait déjà avec eux la plupart du temps alors autant qu'il ait sa propre chambre dans leur nouvelle maison, ça l'arrangerait. À Galway, les trois adolescents avaient l'opportunité de prendre un nouveau départ... Shoshana avait bien l'intention de faire des efforts et de prendre sur elle pour vaincre sa timidité. Au lycée, il y avait Blake, sa cousine, plutôt populaire dans l'établissement, la belle O'Brian pris Shoshana sous son aile pour l'aider, c'était également une bonne occasion de se rapprocher et nouer plus de liens.




La vie d'adulte fait peur pour la plupart des gens, mais pour Shoshana, ce fut un soulagement d'enfin quitter l'adolescence et ses mauvais souvenirs. Une fois son diplôme en poche, elle se dirigea vers une carrière qui pouvait en surprendre plus d'un, car la blondinette avait choisi de travailler dans l'immobilier. Quant à Abel, c'était sans réelle surprise qu'il était devenu officiellement un pilote de Formule 1. Son double aimait ça, depuis toujours, c'était leur truc à lui et l'autre idiot, Shoshana alors, faisait en sorte de tout apprendre sur la discipline qui plaisait tant à sa moitié sachant pertinemment, et depuis longtemps, qu'il en ferait son métier. À chaque course, elle était là, elle le suivait du regard, elle était fière et heureuse pour lui. Les jumeaux avaient leur rituel, leur petit grigri. Avant la course, Abel embrassait le front de sa jumelle et Shoshana lui donnait un snickers et pendant la course, Abel faisait son job et Shoshana tenait entre ses doigts l'inhalateur de son jumeau sans quitter un instant son véhicule du regard. Bien sûr, elle était terrorisée, car le pire pouvait arriver à chaque instant, mais elle avait confiance en lui et en son instinct de pilote.




C'est en hurlant que Shoshana se réveilla ce soir-là, elle s'était accordé une sieste en rentrant une heure plus tôt se sentant fiévreuse. Tremblante et couverte de sueur, elle appela son frère qui ne venait pas, elle le chercha dans toutes les pièces de leur loft, Shel, leur chien, la suivant avec un air inquiet. Quelque chose n'allait pas, elle ne le sentait plus... Shoshana imaginait alors le pire et fonça instinctivement vers l'hôpital. Durant le trajet, elle appelait sur le portable de son jumeau, encore et encore...  Elle pleurait et hurlait dans l'habitacle, elle n'arrivait tout simplement pas à s'arrêter, elle ne pouvait pas le perdre, pas lui... Pas son Abel.

L'homme à l'accueil ne comprenait pas la blonde, personne ici ne correspondait à la photo qu'elle lui mettait sous les yeux, c'était un début de soirée plutôt calme, de plus elle était incapable de dire ce qui était arrivé à son jumeau, juste que c'était grave. L'homme allait prévenir le service psychiatrique quand deux ambulances arrivèrent devant le bâtiment, Shoshana se tourna immédiatement quand le premier brancard passa derrière elle et reconnu le visage tuméfié de Gaby qui avait l'air dans un état grave « Oh mon Dieu... » Malgré toute la peine qu'elle pouvait ressentir pour la petite amie de son frère, elle ne pouvait égoïstement penser qu'à lui, son Abel qui était sur le brancard qui suivait. « ABEL » Il était là, vraiment mal en point. Elle hurlait, pleurait, voulant le rejoindre, mais ça lui était impossible. Elle avait le sentiment de ne plus pouvoir arrêter de pleurer tant qu’elle ne serait pas à ses côtés. On l'isola alors dans une pièce, elle n'arrivait pas à se calmer d'elle-même, ça lui était impossible. On lui demanda s'ils pouvaient joindre quelqu'un pour elle, elle pensa immédiatement à Noah, sa cousine, sa sœur, mais elle n'était pas dans le coin en ce moment, il y avait bien Blake et Sawyer aussi... Mais elle ne voulait pas les déranger et Ethan, son meilleur ami, non plus car il était avec Flynn. Évidemment, il y avait ses parents, mais elle ne voulait pas voir sa mère, bien que ce soit inévitable dans les heures qui suivent, pas là, pas maintenant. Alors elle attrapa son téléphone difficilement, et toute tremblante elle chercha le contact de ce garçon, qu’elle avait tant jalousé pendant son enfance et son adolescence... Le meilleur ami de son jumeau, celui qu’elle surnommait « l'abruti » elle tendit son téléphone à l'homme près d'elle pour qu'on le prévienne et qu'il vienne l'aider.
Malgré l'aide apportée par L'Abruti, Shoshana ne se calma réellement qu'une fois auprès de son jumeau... On l'avait finalement laissé le voir, après des heures et des heures de supplications. Abel était inconscient, dans le coma, mais il était là, son cœur battait, il respirait, elle pouvait le sentir de nouveau.. . Faiblement certes, mais tout de même. Quand elle avait demandé tous les détails à son médecin, celui-ci l'avait informé d'un arrêt cardiaque à l'heure exacte ou la blonde s'était réveillé en sursaut... Souvent, on parle d'une connexion entre les vrais jumeaux, les monozygotes, mais il était clair qu'entre Shoshana et Abel, il y avait cette même connexion, ou du moins quelque chose qui s'apparentait. Les médecins, eux, parlaient de coïncidences, mais Shoshana avait d'autres croyances, l'esprit bien plus ouvert que la science. Alors elle savait, elle savait qu'Abel pouvait se réveiller, c'était à lui de le décider et à elle de le convaincre.

Les larmes aux yeux, elle tenait la main d'Abel dans le silence, il était hors de question de quitter cette pièce, alors c'est le meilleur ami de son jumeau, qui allait et venait pour lui apporter à boire et à manger, pour s'occuper de Shel, mais aussi lui donnant de temps en temps le peu de nouvelles qu'il avait pu obtenir concernant Gaby, c'est lui également qui avait fini par appeler les parents... Elle hocha alors la tête comprenant que bientôt sa mère viendrait pour lui voler sa place. « D'accord, merci Wyn... » Oui, Wyn, c'était le prénom de cet « Abruti », c'était bien la première fois qu'elle s'adressait à lui par son nom, il s'était montré si prévenant avec elle, compréhensif, comme s'il la connaissait par cœur... Et au final, ce n'était pas si étonnant, il était le meilleur ami de sa moitié et ils avaient vécu sous le même toit pendant des années... Bref, il l'avait bien aidé et pour cela elle était prête à baisser ses remparts, après tout Abel avait bien accepté le meilleur ami de Shosh pourquoi ne pouvait-elle pas faire de même avec lui ?

Les parents des jumeaux arrivèrent, la mère avait cet air furieux sur le visage quand son regard croisa celui de Shoshana, alors instinctivement le père attrapa sa fille dans ses bras comme pour la protéger. Elle pensa alors que c'était 20 ans plus tôt, il aurait dû le faire. Quand celui-ci lui demanda comment elle allait, Shoshana haussa les épaules lui demanda s'il pouvait aller lui chercher un café, elle n'en avait pas vraiment besoin ni envie, mais elle savait la machine de cet étage hors service, et elle avait besoin que son père sorte de la pièce assez longtemps pour pouvoir parler à sa génitrice une bonne fois pour toute. « Tu sais pourquoi je ne t'ai jamais dénoncé à personne ? » Sa mère ne lui décrocha même pas un regard, se contentant de recoiffer Abel, comme elle aimait le faire quand ils étaient enfants. Alors Shoshana poursuivit. « C'est pour lui... Abel est tout pour moi, je ne voulais pas le priver de sa mère... Car tu as beau avoir été une génitrice épouvantable pour moi, tu as toujours était la maman parfaite pour lui... J'aurai pu le détester, en être jalouse, mais non... Abel est tout pour moi, il est ma moitié et je l'aime, alors tu auras beau m'ignorer, me haïr, me frapper... Comme tu l'as fais, je serai toujours là, j'existe et je ne le lâcherai pas. Aujourd'hui, je pourrai te dénoncer pour toute une vie de maltraitance, mais là encore, je ne le ferai pas, pour Abel, parce que tu es sa maman et qu'il a besoin de toi... » Shoshana souffla et s'installa de nouveau auprès de son frère reprenant sa main et serrant ses doigts dans les siens fermant les yeux. « Je te déteste, mais je suis capable de te tolérer pour lui, alors fais de même s'il te plaît, pour Abel. »

Les heures s'enchaînaient, Shoshana, elle, était toujours là... Shel lui manquait, mais elle ne pouvait pas quitter cette chambre, elle ne voulait pas lâcher son jumeau une seule seconde, c'était impensable. Tous leurs proches étaient venu, Noah, Blake, Sawyer aussi évidemment, qui travaillait en pédiatrie, les oncles et tantes qui vivaient dans le coins... Ethan était passé aussi pour Shoshana... Elle se sentait vraiment chanceuse d'avoir autant d'amour et de soutien venant de sa famille.

Deux jours maintenant qu'ils étaient là. La main de son frère était bien trop froide, Shoshana le couvrit de couvertures supplémentaires et embrassa son front avant de nouveau glisser ses doigts dans les siens. « Je sais que tu as sans doute besoin de temps encore... Tu as dû avoir la trouille de ta vie, puis franchement, la honte pour un pilote de se planter en ville » Elle eu un léger rire, la situation n'avait rien de drôle, mais il fallait bien qu'elle le taquine un peu même si c'était plutôt le genre de Noah. « Je t'aime Abel, je sais que c'est dur, prend le temps qu'il te faut, mais reviens s'il te plaît » Soudainement les bips du monitoring s’affolèrent, indiquant les battements fous du cœur de son frère, ne lâchant pas sa main elle tenta de la rassurer en chuchotant. « Abel, calme toi... Je suis là... Abel... » Son propre cœur s'affolait, la gorge serrée, elle commençait à paniquer elle aussi. « S'il te plaît, ouvre les yeux Abel, ne me laisse pas, ouvre les yeux, je t'en supplie... » Puis finalement, ses yeux bougent et s'ouvrent. Shoshana est en larmes, mais sourit tout en accrochant son regard. « Babibel » Elle appuie alors à toute vitesse sur la sonnette d'alarme. « S'il vous plaît ?! Venez vite !  » Le personnel médical arrive alors en toute hâte, Shoshana ne lâche pas la main de son frère, lui donnant toute la force qu'elle pouvait pour faire face à la suite.


Cela faisait plusieurs semaines maintenant qu'Abel était sorti de l'hôpital, il avait récemment retrouvé les circuits pour s’entraîner après avoir passé un temps fou avec la peur de conduire de nouveau, peur que Shoshana partageait bien évidemment mais quand son jumeau réussi enfin à remonter dans son véhicule, elle ne put qu'être fière de lui. Tout n'était pas rentré dans l'ordre cependant, car Gaby avait perdu la mémoire et ne se souvenait plus du tout du blond. Shoshana ne savait absolument pas comment arranger les choses.

Contre toutes attentes pendants ces longues semaines Shoshana s'était rapproché du confident de son frère. Entre elle et Wyn, les choses devenaient bien plus ambiguës qu'elle ne l'aurait cru. Il s'était montré tellement présent et prévenant avec elle, qu'elle avait l'impression de le redécouvrir, et pourtant... Cela faisait plus de 20 ans qu'ils se connaissaient... Elle s'en voulait de l'avoir considéré comme celui qui lui volait sa famille alors que lui-même souffrait de sa relation avec la sienne. Elle le lui a dit, un jour où Abel avait était particulièrement vache avec elle... Elle avait appelé Wyn pour discuter et avait fini par lui parler à cœur ouvert.

Elle sentit au fil des semaines des sentiments se développer pour lui. Après tout le seul autre garçon pour qui elle avait éprouvé des sentiments amoureux était mort dans ses bras, par sa faute. Un baiser fut échangé un soir d'orage, un moment intense, rempli de douceur et de passion, mais elle ne pouvait se résoudre à aller plus loin. Elle était terrifiée la Shoshana, terrifiée qu'il arrive de nouveau quelque chose d'horrible à un homme qu'elle aime.